Chapitre 2 : Les premiers symptômes

La vie continue pendant plusieurs mois. Tout va bien, tout va vite, tout est en couleurs. Jusqu’à la vente de la maison familiale à la fin de l’année. Gros coup dur. Mais les pigeons persistent à pigeonner donc je ferais mieux de sourire et d’aller de l’avant car la vie continue me rabâche-t-on. En janvier je suis un peu partie, un peu naze (pour citer Michel Jonasz). Ça va hein ! Mais je dormirais bien un peu plus. Mais ça va hein ! Mais j’ai les genoux qui craquent tout le temps. Mais franchement ça va.

Janvier passe, février aussi (sensiblement plus vite étant donné que ce mois-ci comporte moins de jours que ces compères). Quand vient mars, je suis toujours un peu fatiguée, je dors assez mal et je tremble des mains comme si je salais ma vie de temps à autre. Mais ça va, ça va. Pas d’endives, merci.

Pendant ce temps-là, à Bali mon frère tombe malade, très malade, trop malade : on le rapatrie en urgence en France dans un service de maladies infectieuses et tropicales. Il y restera 6 mois.

Voilà je le résume en 2 lignes, mais c’est ce qui s’appelle un choc émotionnel dans le jargon des endives. Et qu’est-ce que ça vous fait un choc émotionnel ? Ça réveille ce qui dort, ça créé des marées, ça vous secoue les bactéries.

Ce que mon frère a eu est très rare et le diagnostic a été très long. Je suivais chacune des étapes, en essayant de comprendre tout ce qu’on lui trouvait. La maladie de Lyme a été envisagée pendant un temps. Je me suis alors renseignée sur cette maladie inconnue à mes yeux. En voyant les mots « tique », « morsure », « tâche » et « soucoupe » je me dis que Pouxitman m’a peut-être répondu n’importe quoi et je ferme les internets, je ne lis rien de plus là-dessus. Les médecins s’orientent sur autre chose, je suis le mouvement et continue mes recherches approximatives de démystification de jargon médical. Moi on verra après, je n’ai pas le temps ni la force de psychoter, un bon jus de citron et ça ira très bien.

Quelques semaines et de nombreux craquements de hanche plus tard, je me décide à passer un bilan de santé complet. Je vais pouvoir parler à une endive de mes articulations de mamie depuis quelques semaines et avec ce qui vient de se passer pour mon frère j’ai envie que quelqu’un me dise si mon pipi est normal.
Le bilan de santé c’est comme un jeu de l’oie géant. On avance un peu tous en même temps, en se suivant plus ou moins et en voulant tous déjà être à la ligne d’arrivée. Sauf qu’au jeu de l’oie, tu ne te balades pas dans un couloir avec un gobelet d’urine dans ta main.

Enfin pas tout le temps.

Tout se passe bien, je discute avec l’endive très sympa et très compréhensive qui m’écoute sans jugement et me dit qu’effectivement j’ai toutes les raisons de faire un bilan. Tout ce qui est dentition, audition, vision : c’est ok. Je dois attendre les résultats des tests sanguins classiques pour vérifier si je ne suis pas anémiée (ce qui expliquerait ma fatigue de plus en plus fatigante) et une fois que je les ai : je vais voir mon endive traitante pour analyser le bilan et voir si d’autres tests sont nécessaires. Parfait. Merci beaucoup, très bonne journée à vous, merci, au revoir, merci, vous aussi, au revoir !

Viens l’attente. Environ un mois. J’étais au courant de ces délais donc je n’étais pas en panique, mais j’étais aussi impatiente qu’un turfiste dans un PMU de découvrir les résultats. Le jour J, me voici alors métamorphosée en scientifique aguerrie, prête à en découdre avec la lecture de mon bilan. À défaut d’avoir des lunettes demi-lune sur le bout du nez pour entrer dans le personnage, je lèche grassement mon doigt pour tourner chaque page en fronçant les sourcils de concentration. Je n’y comprends rien. Sauf la mention qui m’emplit d’une fierté non dissimulée : urine couleur jaune d’or.

La dernière fois que je suis allée chez le médecin… Je ne m’en souviens même pas. Je trouve assez vite des endives dans mon quartier, mais comme c’est les vacances, beaucoup d’entre elles sont parties rôtir à la plage thermostat 6. Eurêka. En voilà une à quelques rues, disponible dès maintenant. J’y file à vive allure, mon bilan sous le bras.
Endive très pro, très sympa (encore !), qui m’explique tout. J’ai quelques taux un tout petit peu élevés mais si par exemple j’ai mangé une pizza la veille de la prise de sang tout s’explique. Donc tout s’explique. Super. Merci.
Par contre, autant avant j’étais fatiguée, autant là je suis à plat : je ne dors plus sans faire des cauchemars à faire passer Stephen King pour Chantal Goya et perdre l’équivalent de 2 litres de sueur par nuit. Mon copain est ravi. Il devient homme battu la nuit et frôle la noyade au réveil. L’amour est solide. J’ai l’impression d’être un peu tous les jours comme un lendemain de cuite, mais avec une haleine fraîche. Et je craque aussi, de la hanche, du genou et de l’épaule. D’ailleurs parfois quand je me lève je reste paralysée par la douleur dans une position, pendant 5 secondes. J’ai envie de hurler et de pleurer mais quand la larme commence à se former mon corps me relâche et remarche. Comme un Joseph Fritzl qui aurait eu des remords.
Je parle de tout ça à Madame Endive qui prend bonne note et me dit qu’effectivement la maladie de Lyme, au-delà des symptômes qui sont multiples et durs à déceler, commence souvent par un érythème migrant (ma tâche soucoupe 1, 2, 3 soleil Mimie Mathy for ever) donc ok pour faire une prise de sang. Elle m’explique alors que si le premier test est positif, il faudra en faire un deuxième et si celui-ci est positif, on commencera une antibiothérapie. C’est le protocole, c’est assez simple. Parfait. Merci. Je file faire le test.

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