Un matin, n’écoutant que mon courage : je m’éveille.
Cette journée ne s’annonce pas, elle n’est ni importante, ni très remplie, ni mauvaise car le ciel est bleu. C’est une journée en tee-shirt blanc et jean brut. Basique.
Alors que je me mêle de ce qui me regarde et que les pigeons pigeonnent à tout rompre : j’ai un mail.
Jusque-là, tu en conviendras Cher Journal, rien d’extraordinaire.
J’ouvre le mail.
Jusque-là également, comme une sorte de miroir avec les quelques mots sus-écrits, ça n’est toujours pas si fou que ça.
Je lis le nom de mon correspondant qui n’a pas su freiner ses ardeurs quant à l’envie immense de m’envoyer une missive.
Je lis ( et c’est là que ça commence à devenir digne d’un bon téléfilm sur Gulli ) : Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens Paris Ile-de-France.
Tiens ! C’est original.
Je continue ma lecture endiablée :
Madame,
Suite à votre courrier de réclamation reçu par mes services le vendredi 13 juillet 2018 concernant la Pharmacie Pouxit, je n’ai pas manqué d’interroger mon confrère sur les faits signalés.
Je vous prie de trouver ci-joint, la réponse qui m’a été adressée en retour.
OMAGAD ! POUXIT IS BACK !
Pour rappel Cher Journal : Pouxit est le pharmacien que j’étais allé voir à cause de la tâche rouge apparue sur mon épaule juste après la morsure de tique. Il m’avait alors dit que c’était une simple irritation de ma bretelle de soutien-gorge et qu’en mettant un pansement dessus, elle disparaitrait en 48h.
Maintenant que ta mémoire est rafraîchie, je te sens trépigner d’impatience devant le retour, n’ayons pas peur des mots : en fanfare, de ce cher Pouxit.
Laisse-moi d’abord t’expliquer l’origine du mail avant d’affronter un attendu : « quel est donc ce courrier de réclamation dont il est question ? ». Croix de bois, croix de fer si je mens je vais en enfer : la date est issue d’un hasard total, je n’ai pas patiemment attendu un vendredi 13 pour envoyer une missive ensorcelée. Toujours est-il qu’une fois mon traitement fini, j’ai revu mes deux dernières années défiler et je me disais que tout était parti d’une seule fraction de seconde, une seule rencontre entre une tique et mon épaule.
Si j’avais fait une sieste au lieu d’aller me balader, on n’en serait pas là… Comme quoi, il y a toujours une belle leçon de grosse flemmarde à la fin de toutes mes histoires.
La première personne que je suis allée voir pour m’ôter d’un doute : c’est Pouxit. Au lieu de me l’ôter, il l’a complètement dévié. Sa réponse était tellement à l’ouest que ça m’allait très bien à l’époque. Je n’avais pas envie d’aller voir une endive et perdre du temps et de l’argent pour une simple tache rouge. J’avais d’autres choses à faire bien plus importantes comme par exemple : manger des pâtes. Et même si je savais pertinemment que sa réponse n’était absolument pas professionnelle, dans absolument tous les sens du terme, je ne voulais pas « comparer » la réponse avec un de ses confrères. Il ne m’aurait sûrement pas pris de haut avec un air condescendant mentionnant mon soutif mais il m’aurait répondu la même chose, plus ou moins : c’est une allergie, c’est le soleil, c’est l’été, c’est la groupie du pianiste etc.
« Si il y avait eu quelque chose d’important à faire, si ça avait été alarmant, il me l’aurait dit Pouxit. Il n’est pas con quand même, il est pharmacien ! » pensais-je alors bêtement.
Sauf que même deux ans après : ça ne passe pas. Je n’excuse pas son dédain. Si mon frère n’était pas parti faire un bridge dans l’au-delà avant de revenir parmi nous, je n’aurais peut-être jamais entendu parler de cette maladie. J’ai eu de la chance. Beaucoup de chance. Et cette putain de bactérie doit être prise au sérieux pour tous les demi-humains, qui survivent comme ils peuvent, complètement isolés de la vie réelle. Je suis sortie de cette phase atroce et je ne veux jamais revivre quelque chose qui me broie aussi bas.
Je décide donc d’écrire factuellement ma visite chez Pouxit pour l’envoyer à l’ordre des pharmaciens et signaler son manque total de professionnalisme. Je veux qu’il y ait une trace, quelque part, de l’erreur de demander conseil à Pouxit. Je ne sais pas qui va lire mes mots mais je m’en fous, je veux juste envoyer une bouteille à la mer ( de ).
C’est pourquoi quand je reçois ce mail plusieurs semaines plus tard, je m’esbaudis, quelqu’un m’a lu et a pris la peine de me répondre… Et en plus a contacté Pouxit ! Incroyable !
Ça pourrait s’arrêter là, mais j’ouvre le courrier dans lequel ce dernier s’explique sur notre rencontre ayant eu lieu, je te le rappelle Cher Journal, deux ans auparavant, pendant 4 minutes, dans une pharmacie toujours pleine de gens reniflant leurs mésaventures aux comptoirs.
Monsieur le Président,
J’accuse bonne réception de votre courrier dont les termes m’ont pour le moins beaucoup surpris.
Tout d’abord, je vous précise qu’après concertation avec l’équipe de la Pharmacie, personne n’a le souvenir du passage de cette dame courant juillet 2016, ni moi-même ni mes assistants.
Par ailleurs, si une personne se présente à la pharmacie en indiquant avoir été mordu par une tique et avoir enlevé elle-même la tique, nous recommandons systématiquement de consulter soit le médecin traitant, soit de se rendre à l’hôpital le plus proche.
Nous contestons les dires de cette dame qui si elle s’est effectivement présentée à la pharmacie, comme elle le soutient :
– soit n’a pas indiqué, contrairement à ce qu’elle prétend, qu’il s’agissait d’une piqûre de tique qu’elle a arraché un mois auparavant,
– soit elle l’a précisé et auquel cas, il lui a été indiqué de prendre urgemment l’avis d’un médecin spécialiste ou de se rendre à l’hôpital pour un diagnostic et la prescription d’un traitement approprié ; il est vraisemblable que cette dame ne se souvient plus des faits tels qu’ils se sont réellement déroulés il y a deux ans ou réinterprète les faits selon ce qu’elle croit se souvenir mais qui ne correspond nullement à la réalité.
Par conséquent, nous contestons formellement les dires de cette dame et restons à votre disposition pour tous renseignements complémentaires,
Nous vous prions d’agréer blablabla
Pouxit
Voilà, voilà. Autant te dire qu’après lecture de cette missive, j’étais dans un état proche de l’Ohio pour rester polie et poète…
La mauvaise foi dont il fait preuve m’étonne-t-elle ? Non. Il se fait rappeler gentiment par l’Ordre et exige son droit de réponse : c’est normal. Mais commencer sa « défense » en précisant que lui et son équipe n’ont aucun souvenir d’un moment T, insignifiant dans une journée, ayant eu lieu DEUX ANS AUPARAVANT et enchaîner par une démonstration scolaire de ce qu’il faut faire « si ça c’était effectivement passé » me prouve en quelques lignes la vacuité morale de cet étron en blouse blanche. Sa récitation primaire digne de « Réagir face à quelqu’un qui vient nous présenter une morsure de tique pour Les Nuls » est pathétique. Mais c’est sa parole contre la mienne : il se protège comme il peut, comme un enfant qui, la bouche encore pleine de Nutella, te dit qu’il vient de manger une pomme parce que c’est bon pour la santé. OK KÉVYN !
Toujours est-il que, maintenant qu’il a révisé la marche à suivre, la prochaine personne qui viendra le voir suite à une morsure de tique sera écoutée et conseillée correctement : c’était l’objectif de mon courrier.
Une journée pas si basique que ça finalement. Ça change. Ça fait du bien.
Toujours aussi bien. Hâte de lire la fin 🙂